En collaboration avec Nicolas Fleuret
L’intensité de la crise financière qui a suivi la faillite de Lehman Brothers en 2008 a mis en exergue la nécessité de s’attaquer au problème des établissements financiers ayant une taille très importante et susceptibles, du fait de leur poids, de représenter un risque pour le système financier dans son ensemble : on parle de banques d’importance systémique (Systematically Important Financial Institutions – SIFIs).
Le sujet a ainsi été placé en tête des calendriers réglementaires et diverses initiatives ont déjà été engagées. En réponse à une demande du G20, le Financial Stability Board (FSB) a formulé plusieurs propositions visant à limiter les conséquences indirectes sur l’économie si les SIFIs venaient à rencontrer des difficultés.
Au niveau international, le Comité de Bâle sur la supervision bancaire a défini une méthodologie d’identification des Global SIFIs et a créé un guide à destination des autorités prudentielles nationales pour les aider à reconnaître les Domestic SIFIs.
Prévenir les risques
Aux termes des dernières propositions, les SIFIs se verront appliquer une exigence de fonds propres supplémentaire comprise entre 1 et 3,5% en fonction du niveau d’importance systémique estimé à partir de la méthodologie du Comité de Bâle. Avec la fin du support implicite des Etats dont ils bénéficiaient, le coût de financement des SIFIs devrait croître. Il existe plusieurs options permettant de respecter cette charge supplémentaire : augmenter le capital, limiter les distributions de dividendes ou réduire la taille de leurs bilans. Les établissements ont déjà mis en œuvre des mesures combinant ces différentes options.
Parallèlement, le contrôle des établissements sera renforcé, notamment via des inspections plus fréquentes et plus approfondies. L’accent devra donc être mis sur l’efficacité de la gouvernance des risques. La qualité des données est aussi un élément primordial pour une supervision efficace, que ce soit initialement pour l’identification et la détermination du score, ou ultérieurement pour le suivi des risques. La capacité à agréger les données sur les risques sera un élément clé, le FSB ayant par ailleurs récemment mis en avant l’importance pour les superviseurs d’avoir accès à des données de qualité. Une gestion inadéquate pourra donc affecter la capacité des établissements à respecter les exigences réglementaires telles que la production de plans de résolution et de recouvrement (RRP) adaptés et pertinents.
Dessiner des plans de résolution et de recouvrement
Afin de limiter la mise en place des plans de sauvetage financés in fine par le contribuable, les régulateurs ont pris des initiatives en matière de plans de résolution. Elles ont pour but d’assurer aux autorités prudentielles le pouvoir et les outils nécessaires pour intervenir en amont, et de veiller à une résolution ordonnée d’une SIFI si elle venait à défaillir.
Au sein de l’Union européenne, ces nouvelles exigences seront reprises dans la Directive RRD (Recovery and Resolution Directive). L’European Banking Authority a d’ores et déjà demandé à ce que 39 banques majeures développent un plan de recouvrement d’ici fin 2013 qui inclura des mesures de renforcement du capital comme la suspension du versement des dividendes et de la rémunération variable, des scenarii pour réduire la pression liée au besoin de liquidité et des plans pour restructurer l’entreprise, vendre des actifs, ou se séparer de filiales si nécessaire.
Si la plupart des SIFIs ont déjà conduit des travaux préliminaires en matière de plan de rétablissement et de résolution, des précisions de la part des régulateurs sont attendues.
Séparer les activités de marché
Depuis 2011, plusieurs pays ont pris des initiatives visant à séparer les activités de marché pour compte propre des autres compartiments des banques. L’idée est de protéger les déposants, et in fine les contribuables, des aléas des marchés. En Europe, ce principe figure en bonne place dans le rapport Liikanen et la Commission devrait formuler une proposition de Directive dans les tous prochains mois. Bien que cette réforme structurelle ne soit pas spécifique aux SIFIs, elle devrait les concerner au premier chef. Elles devront donc réfléchir à une nouvelle organisation de leurs activités et engager les réformes adaptées afin d’évoluer en profondeur.
Surveiller et maîtriser le risque systémique
Au-delà des réformes réglementaires imposées aux firmes de manière individuelle, les autorités souhaitent aussi apporter un soin particulier à la surveillance générale du risque systémique.
Pour réduire les risques liés à l’interconnexion des contreparties sur le marché des dérivés, l’Union européenne a introduit de nouvelles exigences en matière de compensation et de collatéralisation des opérations dans le règlement European Market Infrastructure Regulation. Ce règlement comprend également une obligation de déclaration des opérations dérivées ce qui donnera une plus grande transparence au marché.
D’autres outils introduits dans la CRD4 répondent à l’objectif de surveillance macro prudentielle impliquant le système financier dans sa globalité : le buffer contracyclique, le ratio de levier, ou encore les réserves de liquidité.
Enfin, le FSB étudie actuellement la mise en place d’un système global d’identification (Legal Entity Identifier – LEI) qui consiste à attribuer à chaque entité financière un identifiant unique. Les établissements devront intégrer cet indicateur dans leurs référentiels afin de fournir des informations précises sur leurs expositions par contreparties aux autorités. Ces dernières pourront alors se faire aisément une vision d’ensemble des positions réciproques entre établissements.
La fin du « too big to fail » ?
Si la mise en place de plans de résolution et de recouvrement constitue un outil d’assistance et de pilotage, il n’est pas encore prouvé qu’ils soient efficaces en temps de crise.
Certaines questions demeurent en suspens : les RRP fonctionneront-ils en pratique ? Les autorités prudentielles seront-elles capables de gérer plusieurs faillites simultanées ? Les plans de dimension internationale pourront-ils être effectivement mis en place le cas échéant ? Le droit des faillites entre les juridictions concernées pourra-t-il être aligné ?
Il existe également des interrogations concernant l’appétit qu’auront les investisseurs pour les instruments de dette de type bail-in et sur les modalités d’activation de ces clauses contingentes. L’importance jouée par la perte de confiance au cours de la crise montre qu’il est essentiel que les actionnaires et les investisseurs aient une bonne compréhension des enjeux et des implications de ces exigences.
Par ailleurs, il y a sans aucun doute encore des actions à engager pour couvrir les risques de corrélation et de mimétisme. En cas de crise, il sera ainsi important que les autorités n’obligent pas les SIFIs à appliquer les mêmes plans de redressement, au risque d’amplifier les difficultés.
Notons enfin que les initiatives répondant à l’interconnexion sur les marchés accordent une place croissante aux chambres de compensation centrales (CCP) qui pourraient progressivement prendre à leur tour une importance systémique. Les autorités commencent donc à réfléchir à la mise en place de RRP pour ces chambres. En conséquence, même lorsqu’elles seront mise en œuvre, les dernières initiatives réglementaires ne marqueront vraisemblablement pas encore la fin du « too big to fail ».
Pour en savoir plus sur le sujet, n’hésitez pas à me contacter.